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Rencontre avec
CAMILLE VOUTEAU

Camille Vouteau crée des illustrations à partir de collages, des lampes et des objets en papier. Elle réalise chaque pièce à la main, essentiellement à partir de papier kozo, ce qui donne ce charme délicat et raffiné à chacune de ses créations. Camille a grandi en Bretagne, tout près de la mer. Elle a ensuite étudié les arts appliqués à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Aujourd’hui, Camille vit à Copenhague avec son compagnon Morten et leur fille Adèle. 

 

Bonjour Camille

Tu viens d’aménager ton espace atelier dans ta maison à Copenhague. Comment as-tu pensé cet espace ? Dans quel environnement aimes-tu travailler pour stimuler ton inspiration ?

J’ai installé mon atelier dans un coin lumineux de ma maison, avec une vue sur un petit jardin. Depuis mon bureau, je peux apercevoir les arbres et la verdure, ce qui m’apaise et m’aide à me concentrer. C’est un espace vivant, où s’accumulent des échantillons de papier, des maquettes, des essais, des croquis et des carnets. Je garde près de moi des objets auxquels je tiens : quelques trouvailles rapportées de Bretagne, de balades en forêt ou au bord de la mer. Ce sont ces petites choses, ces matières naturelles, qui nourrissent mon travail. J’aime travailler dans un environnement calme, souvent accompagné d’un podcast en fond.

J'aimerais savoir comment as-tu rencontré le papier kozo ?

Et d'où vient-il ?

J’aime le papier pour son impermanence, cette apparente fragilité qui, selon sa fabrication, cache une résistance insoupçonnée. Sa fibre, son toucher, ses textures en font un matériau à la fois familier, modeste en apparence, mais aux multiples possibilités de mise en valeur.

Pendant mes études, je l’ai exploré sous toutes ses formes : coupé, déchiré, teinté, collé, cousu… jusqu’à fabriquer mon propre papier. C’était une matière accessible, peu coûteuse, que je pouvais travailler partout, même dans mon petit studio étudiant.

Pour mon diplôme de fin d’études, j’ai réalisé des luminaires et des objets en papier japonais. Depuis, je continue de dessiner et d’imaginer de nombreux modèles, qui restent parfois à l’état de croquis ou de maquettes, et je crée aussi des collages avec ce même papier.

Le papier kozo que j’utilise aujourd’hui provient de Saitama, au nord de Tokyo. Fabriqué à partir de fibres de mûrier, il offre un toucher singulier, une résistance remarquable et une souplesse idéale pour mes lampes.

Le Japon est très présent dans tes influences. Qu'aimes-tu dans la culture japonaise et comment te réappropries-tu cette inspiration dans ton travail ? 

Je ne suis jamais allée au Japon, et pourtant cette culture m’accompagne chaque jour. Je m’en nourris à travers les livres, les films, les podcasts, les récits, la cérémonie du thé, l’histoire de ses artisanats, la philosophie shinto, sa délicatesse, sa pudeur… Il y a dans la culture japonaise une richesse d’approche du monde, du quotidien, du geste, qui me parle profondément.

Je me laisse porter par cet imaginaire que je me construis au fil du temps, avec humilité, conscience de la distance, mais aussi une grande curiosité. Il ne s’agit pas de reproduire ou d’imiter, mais d’exprimer à ma manière les images, les sensations, les idées que cette culture fait naître en moi. Je tente, avec mes propres moyens, d’en traduire quelque chose de personnel, à travers le papier, la lumière, les formes, les gestes.

Tu aimes les teintes plutôt automnales, les tons mats et doux. Cette palette désaturée est vraiment ta signature.

Comment composes-tu tes gammes ? 

Je suis sensible aux couleurs naturelles, mates, légèrement désaturées. Ce sont des teintes qu’on retrouve dans les forêts, la mousse, les roches, la terre… Elles évoquent pour moi une forme de tranquillité, sans doute parce qu’elles viennent d’éléments organiques.

Je ne compose pas mes gammes selon un nuancier précis. Je teins mes papiers à l’encre, je garde les essais, les variations, puis j’assemble les teintes de manière intuitive. Je pioche dans ce que j’ai sous la main, je teste, je scanne parfois des papiers teints pour mes illustrations digitales. J’observe ce qui dialogue bien visuellement, jusqu’à ce qu’un équilibre se dessine.

Les couleurs, pour moi, accompagnent la forme et suggèrent une ambiance, sans jamais prendre le dessus.

La création de textures prend aussi une dimension très importante dans tes illustrations. Comment t'y prends-tu ? Possèdes-tu aujourd'hui une collection d'archives de textures dans lesquelles tu pioches ou chaque réalisation reste éphémère ?

Avec le temps, j’ai constitué une petite « matériauthèque » numérique, où je conserve des scans de textures que je crée ou collecte : papiers japonais, papiers faits main, surfaces teintées à l’encre, morceaux déchirés, traces de peinture… J’assemble ensuite ces images pour composer mes illustrations. Certaines textures deviennent familières et reviennent souvent, d’autres ne sont utilisées qu’une seule fois.

J'ai découvert ton travail sur Instagram et au delà de l'esthétique qui m'a beaucoup plu, j'ai aussi immédiatement aimé l'attention que tu portais au quotidien. La douceur avec laquelle tu regardais le banal, l'anodin, et comment tu restituais dans tes illustrations ces instants éphémères. Quand je t'ai proposé de coéditer cette création avec moi, tu as rapidement accepté. Quel a été l'élément déclencheur de ton côté ?

Merci pour cette belle description, elle me touche beaucoup ! De mon côté, je suis ton travail depuis de nombreuses années et j’ai toujours été sensible à ton approche du design : réfléchie, attentive. J’aime ta façon de mettre en valeur le travail artisanal, les petites séries, et cette dimension poétique qui traverse tes créations. Ton projet entrait parfaitement en résonance avec mes envies du moment : mêler illustrations et textes, croiser deux univers. Lorsque tu m’as parlé de « scènes du quotidien » et de « petits bonheurs simples », j’ai tout de suite senti que ces thèmes résonnaient particulièrement avec moi. J’avais envie d’explorer cette expérience de co-création, pour donner naissance à quelque chose de commun et d’authentique.

Comment te prépares-tu pour t'immerger dans un nouveau projet ? 

Pour commencer un nouveau projet, je prends toujours le temps d’observer et de m’en imprégner. Cela peut prendre plusieurs jours, parfois même plusieurs semaines. Je rassemble des images, des matières, des notes… parfois sans lien direct, mais qui créent peu à peu une atmosphère. Je feuillette mes carnets, je regarde mes archives de textures, je laisse venir les associations de formes et de couleurs. Je pense souvent à une ambiance, une scène qui évoque un sentiment, un moment de vie, et je commence par la dessiner dans mes carnets avant de la réaliser en collage papier ou de façon numérique.

Pour être complètement transparente avec ceux qui nous lisent, nous avions au départ le projet de faire un livre. Une version familiale et illustrée de mon livre L'épaisseur des jours que j'avais édité l'année passée. Durant quasiment un an, nous avons échangé textes et illustrations, et en parallèle, je travaillais sur la mise en page. Lorsque nous avons fait imprimer un exemplaire test, ce fût la désillusion. D'une part l'impression était loin de la qualité que nous souhaitions mais en plus notre projet installé dans le carcan d'un livre perdait toute sa magie. Tes illustrations ne pouvaient pas être appréciées pleinement et mon travail de texte paraissait comme figé au milieu de tout ça sans laisser place à l'imaginaire. Je suis revenue vers toi quelques semaines après, avec une nouvelle proposition, l'idée d'une boite qui rassemblerait l'entièreté de notre travail sans reliure. Et plus encore, qui exprimerait tout autant le processus de création, nos différents niveaux de travail et l'envie d'offrir une plongée dans notre univers.

Cette idée m'est venue, parce que j'ai réalisé que nous avions beaucoup travaillé sur l'expérience de partage entre les parents et les enfants, autour de nos textes et illustrations. Seulement, le format du livre ne permettait plus cela de la même manière. Il fallait trouver une nouvelle forme qui nous donnait à nouveau accès à cette dimension.

As-tu douté de cette décision de s'éloigner d'un projet éditorial classique ? Trouves-tu aujourd'hui intéressant de proposer une autre façon d'accéder à tes illustrations et aux textes sans passer par le livre ?

Non, je n’ai pas douté, au contraire. J’aime que les projets puissent s’élargir, être questionnés et retravaillés. Un projet est vivant, il peut prendre de nouveaux chemins, et parfois, une nouvelle forme qui lui correspond mieux.

Quand tu m’as parlé de cette idée de boîte, j’ai senti qu’on retrouvait ce qui s’était un peu perdu dans le format livre : plus d’air, plus de liberté, et la possibilité de voir les images dans leur entièreté. Ce format laisse aux textes et aux illustrations plus d’espace, et invite à les manipuler, à les déplacer, à les redécouvrir autrement. C’est plus vivant, plus libre… et j’aime l’idée que chacun puisse se l’approprier à sa façon. Et puis, cette notion de « collection personnelle » ouvre aussi la voie à de futures collaborations que je suis très curieuse de découvrir !

La question du format s'est posée. Nous avons opté pour un format A5, suffisamment grand pour apprécier tes illustrations tout en restant maniable. Nous avons conscience que cette objet est beaucoup plus fragile qu'un livre dans les mains d'un enfant mais c'est aussi cela que je souhaitais proposer : l'éveil à l'attention, découvrir l’univers d’un artiste comme un coup d’œil privilégié sur la table de son atelier et la volonté de partager des expériences différentes avec ces multiples formats que l’on peut conserver ou sortir de la boite. Toi qui a une fille de deux ans, penses-tu qu'au fil du temps cet objet sera le support de nombreux échanges avec elle ?​

Je suis curieuse de voir comment ma fille de deux ans s’y intéressera avec le temps, quelles images ou textes retiendront son attention, ce qu’elle aimera regarder, ou les questions qu’elle me posera.

Et au-delà de ma fille, je suis aussi curieuse de voir comment chacun s’appropriera cet objet. Le fait qu’il y ait plusieurs illustrations et plusieurs textes ouvre beaucoup de possibilités, on peut varier les accrochages, encadrer une image quelques mois puis la remplacer par une autre, ou afficher uniquement un texte si c’est lui qui résonne davantage. Certains garderont peut-être la boîte fermée pour la redécouvrir de temps en temps, d’autres y puiseront régulièrement. Cette diversité d’usages possibles me plaît beaucoup, parce qu’elle laisse à chacun la liberté d’inventer son propre lien à l’objet.

Merci Camille, je suis vraiment ravie d'avoir ouvert cette série Collection personnelle avec toi. C'était un cheminement très créatif à tes côtés. Ton regard est bienveillant et ton esprit très ouvert à l'expérimentation. Je te remercie beaucoup de m'avoir fait confiance. De quels.les autre.s artiste.s aimerais-tu découvrir la boite de sa Collection personnelle ?

Merci beaucoup pour tes mots Caroline, ils me touchent vraiment. J’ai beaucoup aimé travailler avec toi sur ce projet, et ce cheminement commun a été très stimulant pour moi aussi. Cette collaboration m’a beaucoup apporté, et j’espère qu’elle saura toucher, et peut-être inspirer, celles et ceux qui la découvriront. J’aimerais beaucoup découvrir plus en profondeur l’univers de Steren Depret, que j’ai découvert cet été à Locronan, en Bretagne. À travers de petits formats et la technique de la gravure, elle parvient à créer, avec seulement quelques éléments, un univers paisible et poétique, très ancré dans le quotidien. Certaines de ses scènes évoquent l’art du thé japonais, ce qui résonne particulièrement avec ma sensibilité.

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disponible en série limitée.

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