VICTOR GIANNOTTA | Sepa
Poète des bois
RACONTE NOUS COMMENT TU AS TROUVÉ LE CHEMIN DE TON ART ?
ET COMMENT LE DÉFINIS-TU ?
L’investissement dans le travail du bois a pris de l’ampleur au retour d’un voyage au Japon. C’était dans le cadre d’un partenariat entre les Beaux-Arts de Paris et la Tokyo Art School. Nous étions invités à réaliser des pièces pour une exposition dans trois maisons du plus vieux quartier de Tokyo. Lors de ce voyage, j’ai pris conscience que ma sensibilité pour les objets du quotidien ainsi que leur émanation spirituelle avait un nom, ou plutôt que ces caractères étaient reconnus et respectés naturellement. J’ai eu envie de me délester des matériaux en eux-mêmes, de les utiliser, de les montrer tels qu’ils apparaissent dans la nature. C’est une recherche perpétuelle dans l’environnement, pour bénéficier de l’harmonie déjà existante de toute chose. À la manière de voyages au long cours que j’aime mener, affublé de l’essentiel selon ma sensibilité, la confection de ce chemin artistique se fait en suivant d’abord une grande direction. Puis les étapes inattendues arrivent, et le paysage se forme lentement, dans l’acceptation totale. Je souhaite mener ce voyage au plus loin que je puisse.
DANS QUEL ÉTAT D’ESPRIT ES-TU QUAND TU TRAVAILLES LE BOIS ?
C’est important que les étapes de travail se fassent dans le calme et la concentration.
Je me fabrique des méthodes pour rester discipliné lorsque je manie les outils. Je sais qu’ils sont tranchants, alors je déchiffre ce que le morceau de bois suggère de prime abord et tente de suivre au plus près les formes incluses. J’apprécie que le temps de travail soit un rituel, que l’esprit et le corps soient réunis pleinement, dans le respect du matériau et de ce qui modifie le matériau
COMMENT CHOISIS-TU LE BOIS AVEC LEQUEL TU TRAVAILLES ?
C’est en fonction de là où je me trouve que je choisi le bois qui sera utilisé pour une pièce. Travailler avec un bois qui nous environne est d’une importance capitale selon moi, parce qu’on peut en faire ressentir les bienfaits une fois l’objet réalisé. Le matériau bois, de part sa grande résistance dans le temps, est porteur d’histoires, de vies, mais aussi de gens, et j’aime l’idée de fabriquer une pièce avec du bois qui existait déjà avant moi. Je n’ai pas envie d’acheter de bois pour l’instant parce que celui que je trouve suffit, mais bien sur, si l’on me demande un travail de menuiserie, j’irai sélectionner le bois dont j’ai besoin chez une personne en qui j’ai confiance quand à la provenance. Ça me tient à coeur de valoriser le bois mort, pourri, rongé, tombé, brisé parce qu’ils racontent des paysages de choses.
QUELLE RELATION AS-TU AVEC LES ARBRES ?
Je les aime profondément, ils me touchent d’élégance et de respect qu’ils ont les uns pour les autres lorsqu’ils croissent. Cette délicatesse avec laquelle ils se frôlent, se laissent monter à la lumière, se soutiennent aussi parfois me bouleverse beaucoup.
QUE T’INSPIRE LA MAISON E ?
POURQUOI AS-TU ACCEPTÉ CETTE COLLABORATION ?
Ce qui m’a tout de suite plu, c’est la saisonnalité de l’activité de la maison E. Quelle importance que la compréhension de notre environnement pour bénéficier des plus fines fleurs et lui rendre la pareille en le laissant se reposer. Je suis sensible à celles et ceux qui le sont aussi, et il me semble qu’il y a un très grand intérêt pour la douceur des matériaux, pour la cohérence des sujets évoqués, en somme pour ce qu’est la qualité. Je souhaite me battre pour pouvoir apporter des pièces de qualité à toutes celles et ceux qui veulent les voir, et souhaite honorer les intermèdes qui font le pari de soutenir ces objets de réactions poétiques. Accepter cette collaboration est donc un moyen de parler ensemble des choses douces et importantes de ce qui constitue notre environnement, et je remercie énormément Caroline pour m’avoir sollicité avec cette sélection de feuilles « s’évennent ».
Cinq feuilles originales de Victor
ont été présentées dans le shop d'automne et d'hiver 2021



